Entrepreneurs agroalimentaires: comment retenir vos employés clés?

Dans le monde des affaires actuel, force est de constater que la main-d’œuvre qualifiée se raréfie et qu’il est fréquent qu’un employé change de poste plusieurs fois au cours de sa carrière. Il peut donc être difficile pour un entrepreneur de bâtir une équipe ayant à cœur la pérennité de son entreprise et de conserver une relève éventuelle au sein de l’entreprise. L’industrie agroalimentaire n’échappe pas à cette réalité.

Dans ce contexte, la mise en place d’un plan d’intéressement pour des employés clés d’une entreprise est une pierre angulaire de la rétention de ces employés de grands talents. Un tel plan peut en effet permettre d’atteindre les objectifs suivants:

  • fidéliser les employés visés;
  • favoriser le recrutement de main-d’œuvre qualifiée dans un environnement compétitif;
  • augmenter le sentiment d’appartenance des employés à l’entreprise en vue de l’atteinte d’un objectif commun; et
  • aligner les intérêts financiers de l’employé avec la performance de l’entreprise.

À cette fin, une multitude de plans d’intéressement s’offre aux propriétaires d’entreprises. Le présent article examine brièvement les caractéristiques de plans fréquemment utilisés[1], lesquels plans se divisent en deux grandes catégories:

  1. les plans d’intéressement de type bonification, et
  2. les plans d’intéressement de quasi-équité ou d’équité.

Chaque plan d’intéressement comporte des avantages et inconvénients, selon les objectifs visés par le propriétaire d’entreprise. Un des points importants à considérer lors de la mise en place d’un plan d’intéressement est l’incidence fiscale que ce plan aura tant pour la société que pour les employés visés. En effet, un plan d’intéressement fiscalement avantageux pour les employés peut constituer un incitatif additionnel aux fins de la rétention de ceux-ci. À cet égard, nous avons donc résumé, pour chaque plan décrit sommairement ci-dessous, l’avantage (ou désavantage) fiscal d’un tel plan pour l’employé et la société.

Les plans d’intéressement de type bonification

Un plan d’intéressement de type bonification (par exemple, un boni payable annuellement, suivant l’atteinte de certains objectifs individuels ou collectifs, ou encore, un régime d’actions fictives[2]) ne nécessite aucun changement à l’actionnariat de la société et ne confère aux employés visés aucun droit additionnel à l’égard de la société.

Du côté fiscal, l’employé sera imposé sur cette bonification de la même façon que sur son revenu d’emploi, soit à un taux d’impôt marginal de 53,31 % (2019), et la société pourra déduire cette bonification de ses revenus. Par ailleurs, un plan de bonification comporte des limites dans le cas où il prévoit que le paiement d’un boni (et donc l’impôt payable sur celui-ci) est différé dans le temps (par exemple, si l’on veut permettre à un employé de recevoir le paiement uniquement lorsqu’il en aura besoin financièrement ou si, à des fins de rétention, le boni est payable à la suite de la rencontre d’objectifs qui s’étalent sur une période de temps). Dans un tel cas, l’imposition de la bonification gagnée ne peut être différée pour une durée de plus de trois ans. Par ailleurs, si certaines conditions sont rencontrées, cette limite de temps ne s’appliquera pas dans le cas du régime d’actions fictives.

Les plans d’intéressement de quasi-équité ou d’équité

Un plan d’intéressement de quasi-équité (par exemple, un plan d’options d’achat d’actions) ou d’équité (par exemple, un plan d’achat d’actions restrictives) est une solution qui se situe à mi-chemin entre la bonification et la détention d’équité directe sans condition pour les employés dans la société.

Le plan d’options d’achat d’actions

L’octroi d’options d’achat d’actions en faveur d’un employé lui permet de se faire émettre des actions de la société à un prix préétabli et à un moment prédéterminé. Le prix d’exercice peut correspondre à la juste valeur marchande des actions au moment de l’octroi de l’option ou à une valeur escomptée. Ces options peuvent être exerçables uniquement lors de l’arrivée d’un événement de liquidité (par exemple, la vente des actions ou des actifs de la société) ou suivant l’atteinte de certains objectifs quantitatifs précis (par exemple, l’écoulement d’une période de temps ou la réalisation par la société d’un montant de profits défini). Ce plan ne nécessite aucun changement à l’actionnariat de la société ni n’accorde de droit additionnel aux employés au moment de l’octroi des options à ceux-ci.

Au niveau fiscal, aucune incidence fiscale ne résulte de l’octroi de l’option par la société en faveur de l’employé. L’exercice de l’option par l’employé déclenchera un avantage imposable pour celui-ci égal à la différence entre le prix d’exercice payé par l’employé et la juste valeur marchande des actions au moment où l’option est exercée, mais l’inclusion de cet avantage imposable dans son revenu sera différée jusqu’à la vente des actions par l’employé. Cet avantage sera imposable pour l’employé à titre de revenu d’emploi, soit à un taux d’impôt marginal de 53,31 % (2019). Par contre, si certaines conditions sont rencontrées, l’employé pourra bénéficier d’une déduction pouvant réduire l’imposition de l’avantage imposable au même niveau que l’imposition du gain en capital (soit 26,65 %)[3]. L’employeur pourra, dans certaines circonstances précises, déduire de son revenu le coût d’un tel plan, mais dans ce cas, l’employé n’aura pas le droit à sa propre déduction. En effet, l’employeur devra renoncer à sa propre déduction afin de permettre à l’employé de bénéficier de la sienne.

Suite à l’exercice d’une option par un employé, toute prise de valeur des actions ainsi émises à l’employé entre le moment de l’exercice de l’option et le moment de la vente des actions sera imposable pour l’employé à titre de gain en capital, soit à un taux effectif marginal de 26,65 % (2019).

Le plan d’actions restrictives

Dans le cas du plan d’actions restrictives, les actions de la société sont émises à l’employé dès la mise en place du plan d’intéressement, mais elles sont alors assujetties à des restrictions quant à la prise de valeur des actions, au droit de vote et à la possibilité de recevoir des dividendes. Comme dans le cas d’options, les restrictions peuvent être levées suivant l’atteinte de certains objectifs quantitatifs précis (par exemple, une période de temps ou la réalisation par la société d’un montant de profits défini). L’employé peut acquérir ces actions à leur juste valeur marchande ou à une valeur escomptée. Il est par ailleurs possible pour l’employé d’effectuer le paiement de ces actions en renonçant à une partie de son salaire. Ce plan nécessite une modification de l’actionnariat de la société puisque les employés visés deviennent actionnaires de la société dès le départ. Les employés auront donc, par exemple, le droit de consulter les états financiers de la société, mais dans ce contexte, il sera également possible pour la société de resserrer les obligations de non-concurrence et de non-sollicitation de ces employés actionnaires.

Au niveau fiscal, l’émission des actions en faveur de l’employé ne résultera en aucune incidence fiscale pour l’employé, toute imposition (s’il en est) étant différée au moment de la vente des actions. Si les actions ont été émises à l’employé pour un prix équivalent à leur juste valeur marchande, la prise de valeur des actions entre le moment de l’émission des actions et le moment de leur vente sera imposable pour l’employé à titre de gain en capital, soit à un taux effectif marginal de 26,65 % (2019). Par contre, si les actions ont été émises à l’employé à escompte, la différence entre la juste valeur marchande des actions au moment de leur émission et la valeur escomptée payée par l’employé lui sera imposable comme un revenu d’emploi, soit à un taux d’impôt marginal de 53,31 % (2019) tandis que la prise de valeur  des actions sera imposable à titre de gain en capital. Comme dans le cas d’options, l’employé pourra bénéficier d’une déduction pouvant réduire l’imposition de cet avantage imposable au même niveau que l’imposition du gain en capital (soit 26,65 %) si certaines conditions sont rencontrées.

Finalement, tant dans le cas d’un plan d’options d’achat d’actions que d’un plan d’achat d’actions restrictives, il est recommandé de signer une convention entre la société et l’employé afin de régir, entre autres, la détention des actions (une fois émises) ainsi que les règles relatives au transfert de ces dernières.

Les plans d’intéressement présentés ci-dessus sont des exemples fréquemment utilisés par les entrepreneurs québécois, mais il en existe une multitude pouvant être modulée à souhait selon les besoins et objectifs spécifiques de l’entreprise agroalimentaire.

L’équipe de BCF peut vous guider dans votre réflexion et vous conseiller quant à la meilleure stratégie à adopter pour retenir vos employés clés et planifier votre relève.


[1] Dans un contexte de sociétés privées sous contrôle canadien.

[2] Le régime d’actions fictives est un régime qui donne à un employé le droit de recevoir un boni basé sur la variation de valeur des actions de la société, quoiqu’il n’en soit pas actionnaire.

[3] Il est à noter que dans le budget fédéral du 19 mars 2019, le ministre des Finances a annoncé que des modifications seraient apportées à l’imposition des plans d’achat d’actions afin de limiter la déduction pouvant être réclamée par un employé bénéficiant d’un tel plan. Le détail de ces modifications est attendu avant l’été 2019.

 

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