L’intelligence artificielle entre dans la lutte au doryphore

Les producteurs de pommes de terre le savent : dépister la présence du doryphore peut représenter un travail harassant et coûteux. « Le dépistage conventionnel manque surtout de précision », note Karem Chokmani, professeur au Laboratoire de télédétection environnementale par drone de l’Institut national de recherche scientifique (INRS), qui a partagé le résultat de son expérience avec les participants du colloque sur la pomme de terre tenu en novembre dernier par le Centre de référence en agriculture et en agroalimentaire du Québec (CRAAQ).

« Faute de temps ou d’effectifs, le propriétaire se limite souvent à inspecter les bordures des parcelles, sans avoir un portrait d’ensemble de la situation. Un propriétaire risque de repérer un foyer d’infestation à un stade où l’insecte a déjà causé des ravages importants », ajoute-t-il.

Cette photo, prise sur le drone pendant l’un des vols d’essai, montre le degré de précision de l’algorithme de détection. Les carrés verts indiquent les prédictions correctes, tandis que les jaunes et les rouges signalent les omissions et les erreurs. Gracieuseté de l’INRS

Cette photo, prise sur le drone pendant l’un des vols d’essai, montre le degré de précision de l’algorithme de détection. Les carrés verts indiquent les prédictions correctes, tandis que les jaunes et les rouges signalent les omissions et les erreurs. Gracieuseté de l’INRS

Patates Dolbec a donc mandaté l’équipe du professeur Chokmani dans le but de mettre au point une technique de dépistage automatisé du plus important ravageur de la pomme de terre. Pour y arriver, les chercheurs ont eu l’idée d’avoir recours à la reconnaissance faciale, une technologie déjà implantée sur plusieurs téléphones cellulaires pour identifier leur propriétaire. « En partant du principe qu’on peut enseigner à un ordinateur à reconnaître des visages humains, on peut assurément le faire avec des insectes! »

Encore fallait-il mettre la théorie en pratique. À l’été 2018, le professeur Chokmani et son équipe ont installé un appareil photo sur un drone pour étudier une parcelle très infestée à Sainte-Anne-de-la-Pérade. Plusieurs tests ont été effectués pour déterminer la vitesse et l’altitude de vol du drone, mais aussi le réglage optimal de l’appareil photo. « Le but était d’obtenir des images en ultra-haute définition de la parcelle dans un délai raisonnable. À une altitude de vol de 15 mètres, chaque pixel correspond à un millimètre sur un plant. Chaque doryphore est représenté à 100 pixels sur l’image. »

Résultats prometteurs

Une fois les images collectées, les chercheurs de l’INRS ont développé un algorithme de détection. « On montre au système des milliers de petites images avec ou sans doryphore. Le système apprend à les classer, donc à les détecter. L’algorithme s’entraîne de la sorte jusqu’à ce qu’il reconnaisse la structure de l’insecte. On arrive à un taux de succès de détection de 90 % », explique Karem Chokmani.

L’application de cette méthode permettrait au producteur d’établir un diagnostic fiable et efficace sur la présence de doryphores dans un champ. Le drone pouvant voler à une vitesse de 15 km/h sans nuire à la résolution de l’image, il est possible de photographier un champ de 10 hectares en une dizaine de minutes pour aboutir à une carte numérique avec densité d’infestation par mètre carré.

Karem Chokmani, professeur au Laboratoire de télédétection environnementale par drone de l’INRS. Crédit photo : Gracieuseté du CRAAQ

Karem Chokmani, professeur au Laboratoire de télédétection environnementale par drone de l’INRS. Crédit photo : Gracieuseté du CRAAQ

Seul hic pour l’instant, l’algorithme met une minute pour traiter chaque image, ce qui est beaucoup trop long. L’équipe de Karem Chokmani travaille actuellement à accélérer le traitement. « Notre objectif est qu’un ordinateur de puissance moyenne soit capable de traiter des milliers d’images en quelques minutes. »

Le chercheur espère que dans les prochaines années, les producteurs de pommes de terre se tourneront vers le dépistage automatique dans la lutte au doryphore. « Jusqu’à présent, les producteurs n’avaient pas de vue d’ensemble des ravages causés par le doryphore. Pourquoi traiter la totalité du champ si
seulement une partie est infestée? L’agriculture de précision requiert
des outils qui posent les bons diagnostics. » 

SOURCE : La Terre de Chez Nous David Riendeau, journaliste

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