Agroalimentaire : "Les pertes et gaspillages sont considérables"

Beaucoup d’agriculteurs se plaignent de l’agribashing et d’être critiqués pour utiliser des pesticides. Comment leur permettre de réaliser une transition vers une agriculture plus respectueuse de l’environnement ? Quel rôle peut jouer la recherche ?

Il me semble que l’agribashing est un faux problème. Il existe certainement dans des filières particulières, comme l’élevage. Mais dans leur ensemble, les études le montrent, les Français aiment leurs agriculteurs. Ce qui est d’abord remis en cause, c’est le système agroindustriel dans son ensemble, tel qu’il s’est développé depuis plus de cinquante ans. Pas les agriculteurs eux-mêmes, qui sont les premières victimes de ce système dans lequel ils se sont retrouvés enfermés. L’agribashing est un peu un chiffon rouge agité pour éviter d’aborder des problématiques plus complexes, comme la nécessité d’une transition vers des systèmes agricoles plus respectueux des femmes et des hommes qui le composent, des animaux et de l’environnement. La notion même d’agribashing empêche le développement d’un lien pacifié entre agriculteurs et consommateurs. C’est pourtant bien cette relation qui serait le moteur d’une telle transition. La recherche a évidemment un rôle important à jouer pour proposer des alternatives, développer des modèles agroécologiques, etc. Mais bien souvent, les solutions sont connues. Ce qui manque, c’est un transfert efficace des connaissances, de la recherche vers les professionnels agricoles. Et au-delà de la recherche, in fine, ce sont des décisions politiques fortes qui permettront une réelle transition. A l’échelle européenne en particulier, où est négociée la politique agricole commune qui est vraiment l’instrument qui façonne notre modèle agricole.

Le changement climatique constitue une menace pour la sécurité alimentaire mondiale. Comment y faire face avec toujours l’impératif de pouvoir nourrir une population mondiale qui s’accroît ?

C’est un enjeu à la fois urgent et extrêmement complexe. On sait à quel point les changements climatiques affectent la sécurité alimentaire des populations les plus vulnérables. Pour ce faire de nombreuses stratégies d’adaptation sont mises en œuvre, mais elle ne suffisent pas. La sécurité alimentaire n’est pas qu’une question de disponibilité des aliments, encore faut-il pouvoir y accéder, physiquement et économiquement... D’autre part, les secteurs agricoles, forestiers et pastoraux jouent un rôle important (et ce rôle devrait être renforcé) d’amortisseur face aux changements climatiques : stockage du carbone dans les sols et les produits de la biomasse et substitution de l’énergie (bois-énergie).

Le dernier rapport de la FAO s’alarme de l’importance des pertes et des gaspillages alimentaires. Comment inciter les citoyens, la grande distribution à être davantage mobilisés ?

Les pertes et gaspillages dans les systèmes alimentaires sont considérables. Ils se déroulent à toutes les étapes : production, transformation, distribution et consommation. On considère que dans le monde, tout ce qui est produit et finalement pas consommé occupe des surfaces de terres équivalentes à la superficie du Mexique, et consomme des quantités d’eau équivalentes au lac Léman... Il existe beaucoup de campagnes pour alerter les consommateurs. Mais l’éducation ne suffit pas. Encore faut-il disposer des moyens physiques ou cognitifs de limiter les gaspillages. Et les consommateurs font avec une offre de produits agroalimentaire qui ne fait rien pour limiter le gaspillage : packaging de grandes quantités dans des offres promotionnelles, etc. Donc là encore, la puissance publique pourrait prendre des mesures pour contraindre les industriels de l’agroalimentaire à limiter leurs effets sur le gaspillage. Toute la responsabilité ne peut pas reposer sur les épaules des seuls consommateurs. 

Source : Ladepeche.fr

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