Déclaration commune du secteur des fruits et légumes frais d’Amérique du Nord au sujet des perturbations dans la chaîne d’approvisionnement
Au nom de secteur des fruits et légumes frais d’Amérique du Nord, nous demandons de toute urgence une action gouvernementale pour faire face aux importantes perturbations que subit actuellement la chaîne d’approvisionnement et qui ont des répercussions sur nos systèmes alimentaires, nos économies et, au bout du compte, sur les particuliers et les familles partout dans le continent et le monde.
La pandémie de COVID-19 a créé des défis sans précédent en matière de santé publique, d’économie et de logistique pour les collectivités et les chaînes d’approvisionnement du monde entier. Le secteur des fruits et légumes frais ne fait pas exception à la règle. De la semence à l’assiette, notre secteur travaille au quotidien pour trouver des solutions afin d’atténuer les conséquences de la pandémie et de garantir aux consommateurs l’accès continu à nos produits salubres, sains et nutritifs.
Près de deux ans après le début de la pandémie, l’augmentation substantielle des coûts et les retards observés tout au long de la chaîne d’approvisionnement menacent notre sécurité alimentaire et, à long terme, la viabilité économique du secteur nord-américain des fruits et légumes frais. Il est important de souligner que ces coûts ne peuvent être entièrement absorbés par le secteur et qu’ils se répercuteront inévitablement sur les consommateurs. Malheureusement, ces augmentations, déjà ressenties au niveau de la consommation, risquent de s’intensifier et de toucher surtout les ménages qui peuvent le moins se les permettre.
Voici quelques exemples de perturbations observées dans la chaîne d’approvisionnement :
• Congestion portuaire paralysante - l’engorgement de tous les grands ports nord-américains provoque des files de navires en attente d’accostage et des empilages de conteneurs en attente de déchargement et de ramassage. Pour nos produits hautement périssables, ces longs retards portuaires peuvent entraîner des pertes de produits et de ventes et se traduire par du gaspillage alimentaire. Les retards importants dans la réception de l’équipement, des matériaux de construction et d’autres intrants risquent également de mettre en péril les prochaines saisons de culture.
- Selon Goldman Sachs, plus de 30 millions de tonnes de marchandises sont en attente de livraison.
- Même lorsqu’un navire accoste, il faut parfois plusieurs jours pour débarquer les conteneurs.
- La montée en flèche des droits de surestarie et d’immobilisation qui découle des retards dans les ports ne pourra être longtemps absorbée par le secteur.
- Les longues périodes d’attente que doivent endurer les chauffeurs chargés de ramasser les conteneurs causent davantage de congestion et de retards de livraison.
- Il est important de signaler qu’au Canada et dans certaines régions des États-Unis, une grande partie de la saison agricole de 2021 est terminée et la période d’importation, plus chargée, s’apprête à commencer.
• Retards et explosion des coûts d’expédition par conteneur – tandis que les grandes sociétés maritimes internationales renvoient des conteneurs vides en Asie et affichent des bénéfices record, le secteur nord-américain subit des retards d’expédition qui s’étirent parfois sur plusieurs semaines, donnant lieu à d’importantes pertes de produits et de ventes. La hausse exponentielle du coût des conteneurs et le nombre limité de conteneurs réfrigérés s’ajoutent à une situation déjà périlleuse qui crée d’énormes problèmes pour le secteur des fruits et légumes frais et la sécurité alimentaire de nos pays. Les gouvernements doivent travailler de concert pour accroître la surveillance des transporteurs maritimes internationaux et veiller à l’adoption de pratiques équitables et éthiques afin de soutenir la circulation continue des marchandises.
- Le coût des conteneurs d’expédition a au moins triplé depuis un an : d’un coût estimatif de 3 000 dollars le conteneur, il est passé à 15 000 ou 18 000 dollars, voire 25 000 dollars le conteneur.
- En raison de la nature hautement périssable de nos produits, le nombre de compagnies de transport qui acceptent les fruits et légumes frais est déjà limité. Une des plus grandes de ces compagnies vient d’ailleurs d’annoncer que, par suite de l’augmentation des réclamations, elle ne transporterait plus de fruits et légumes frais.
- Malgré les retards importants dans la livraison des produits, les compagnies maritimes garantissent le tarif des conteneurs moins longtemps qu’avant. Certaines commencent d’ailleurs à annuler des réservations pour ensuite les reprogrammer à tarif plus élevé.
• Effet domino de l’inégalité des livraisons de produits - un retard considérable dans la réception de produits périssables suivi de la réception d’une grande quantité de produits en une seule fois déclenche une série de nouveaux problèmes et coûts, notamment l’organisation de la distribution et la recherche de main-d’oeuvre supplémentaire pour reclasser et réemballer les produits récupérables afin d’éviter autant que possible les pertes et le gaspillage. Par ailleurs, en raison des obstacles à l’exportation, davantage de produits cultivés en Amérique du Nord doivent y rester, ce qui engendre de nouveaux problèmes d’offre et de demande, notamment une baisse de la rentabilité pour tous les partenaires de la chaîne d’approvisionnement intérieure.
- Plusieurs aspects de notre chaîne d’approvisionnement sont conçus pour pénaliser les livraisons tardives et les longs délais de transport. À titre d’exemple, les centres de distribution exigent des frais pour les rendez-vous manqués ou déplacés, les transporteurs demandent des droits de surestarie et d’immobilisation et les distributeurs en amont facturent des frais pour les commandes partielles ou non exécutées. Ainsi, la chaîne d’approvisionnement devient submergée de coûts supplémentaires.
- Ces perturbations perdurent et provoquent des problèmes sans précédent et de longue durée, ainsi que des difficultés imprévues qui, dans bien des cas, ne figurent tout simplement pas au contrat. Cette situation donne lieu à un nombre croissant de procédures judiciaires concernant des litiges contractuels, ce qui exerce davantage de pression sur la chaîne d’approvisionnement.
• Pénuries de main-d’oeuvre persistantes dans toute la chaîne d’approvisionnement – de graves pénuries de main-d’oeuvre touchent le secteur des fruits et légumes frais, d’abord dans les établissements agricoles, mais aussi dans toute la chaîne d’approvisionnement, affectant aussi bien la plantation et la récolte que l’emballage, le transport, la vente au détail et les services alimentaires. Les gouvernements ont un rôle crucial à jouer pour inciter la main-d’oeuvre à revenir à la tâche et faciliter l’accès à la main-d’oeuvre nationale et étrangère.
- Les difficultés que connaissent les employeurs agricoles désireux d’attirer des travailleurs sont exacerbées par les retards administratifs et les protocoles liés à la COVID-19.
- Le National Council of Agricultural Employers a récemment cité un rapport selon lequel, au deuxième trimestre de 2020, plus de 100 000 offres d’emploi faisant appel à des travailleurs sans expérience ou ayant une expérience limitée ont été affichées dans le secteur agricole américain; or, selon les dossiers du ministère du Travail, à peine 313 de ces offres ont été pourvues par des travailleurs américains.
- L’American Trucking Association estime que les États-Unis connaissent à eux seuls une pénurie d’environ 80 000 chauffeurs de camion, une pénurie qui figure en tête de liste des plus graves problèmes de l’industrie du camionnage, selon l’American Transportation Research Institute. Le manque de chauffeurs de camion de marchandises s’avère encore plus criant dans le secteur des fruits et légumes, puisque certains chauffeurs optent pour des chargements moins urgents et non réfrigérés, évitant les contraintes de temps et de température liées au transport de fruits et légumes frais.
• Pénuries croissantes d’intrants - qu’il s’agisse d’engrais, de produits de protection des cultures, de matériaux de construction de serre, de palettes, de carton ou de produits d’emballage, la chaîne d’approvisionnement des fruits et légumes frais subit des pénuries croissantes et une hausse du coût des intrants essentiels à notre secteur, dont les répercussions se font déjà sentir et se montrent menaçantes pour l’avenir.
- Au printemps 2021, la pénurie de bois d’oeuvre a fait grimper les prix du bois de près de 350 %, entraînant une pénurie de palettes pendant près de six mois. Cette pénurie a durement touché notre secteur, car les fruits et légumes frais ne peuvent être transportés sans palettes. En outre, les marges étant étroites dans notre secteur, il a été le dernier à recevoir de nouvelles palettes lorsqu’elles sont enfin revenues sur le marché.
- À l’été 2021, la pâte à papier, matière première utilisée pour fabriquer des boîtes, a apparemment connu des hausses de prix allant jusqu’à 40 % par rapport à l’année précédente, entraînant une augmentation majeure du prix des boîtes, principaux contenants d’expédition des fruits et légumes frais.
- Le coût des engrais a augmenté de plus de 20 % depuis l’année dernière, et l’annonce récente par la Chine de limites de consommation d’énergie dans les principales régions de production de phosphate laissent entrevoir des pénuries pour les saisons de culture de 2022.
- Le secteur canadien des serres signale des retards de plus de huit mois dans la réception de matériaux de construction essentiels, ce qui constitue un obstacle majeur aux préparatifs pour la prochaine saison de culture.
• Stockage de produits par les consommateurs - bien que les problèmes ci-dessus soient très préoccupants, il est essentiel qu’ils ne soient pas exacerbés par une fièvre d’achats ou le stockage de produits par les consommateurs pris de panique. Tous les efforts nécessaires doivent être consentis pour faire face aux perturbations de la chaîne d’approvisionnement tout en envoyant des messages clairs au public à ce sujet.
Au début de la pandémie, nos gouvernements ont rapidement pris des mesures pour investir dans les systèmes alimentaires et travailler ensemble de façon à garder les chaînes d’approvisionnement en mouvement. La situation à laquelle nous sommes confrontés aujourd’hui fait écho à certains défis que nous avons dû surmonter au printemps 2020, mais devient plus complexe en raison de l’augmentation du trafic transfrontalier, d’une consommation qui s’est accrue durant la pandémie et de la réduction ou la fin des programmes de soutien gouvernementaux.
Nous ne saurions trop insister sur le besoin de collaboration entre nos gouvernements pour aborder ces questions de manière multilatérale et globale. Les exemples ci-dessus illustrent clairement la complexité, l’interconnexion et l’interdépendance de notre chaîne d’approvisionnement et les défis que nous affrontons. Il est impératif et urgent que les gouvernements travaillent de concert avec toutes les parties prenantes de la chaîne d’approvisionnement afin d’atténuer les graves menaces d’insécurité alimentaire et de pénuries alimentaires. Ces problèmes multifacettes ne peuvent se résoudre du jour au lendemain et les retards dans la correction des trajectoires risquent d’aggraver et de compliquer davantage la situation.
Bref, sans un engagement multilatéral à trouver des solutions, ces problèmes auront des répercussions durables, au détriment de toutes les économies nord-américaines : faillites, litiges juridiques, consolidation du secteur, inflation et réserves alimentaires inaccessibles, pour en nommer quelques-unes. Le temps joue contre nous, et personne ne doit sous-estimer la nécessité d’affronter ces défis dès maintenant.
Nos organisations sont prêtes à travailler avec les gouvernements et les partenaires de la chaîne d’approvisionnement afin de trouver une avenue qui permette la circulation durable de nos biens essentiels.