Savoura: la vie après Stéphane Roy

Malgré le départ du capitaine et la peine causée par son absence, les murs du temple ne se sont pas écroulés, assure Peggie Clermont, qui assume depuis l’automne le rôle de présidente du conseil d’administration de l’entreprise, en remplacement de l’homme disparu. Si les célèbres tomates continuent de pousser, certains projets comme l’agrandissement des serres prendront toutefois plus de temps à se réaliser, admet-elle.

À la suite du battage médiatique ayant entouré les recherches, en juillet dernier, pour retrouver le père et son fils, portés disparus après être montés à bord d’un hélicoptère pour survoler le secteur de Parent, dans les Laurentides, la direction de Savoura est depuis demeurée plutôt discrète, refusant les demandes d’entrevue. Près de six mois après le tragique événement, Peggie Clermont, qui occupait sous M. Roy un poste de conseillère en finance, et la directrice générale Caroline Dalpé, qui était également la conjointe de Stéphane Roy, ont accepté de rencontrer La Presse dans les installations de l’entreprise à Mirabel. Les deux femmes, maintenant à la tête de Savoura, ont raconté à quoi pouvait ressembler la vie dans une entreprise qui perd subitement son leader.

« Pendant les recherches, on continuait de faire nos rencontres de gestion, indique Mme Clermont pour illustrer le fait que les activités se poursuivaient malgré tout. Ça peut sembler froid, mais rien ne s’est arrêté. La production ne s’est pas arrêtée. Les ressources humaines ne se sont pas écroulées. »

Et même que pendant les recherches, les tomates se vendaient particulièrement bien.

"C’est sûr que le mois de juillet a été un excellent mois. C’est difficile de savoir si c’est relié à ça ou si c’est notre mois de juillet qui aurait été bon de toute façon. Mais c’est certain qu’on a beaucoup entendu parler de Savoura." Peggie Clermont

C’est un événement dramatique qui s’est produit, poursuit la nouvelle présidente du C.A., qui a commencé à travailler avec M. Roy en 2011. Il faut comprendre qu’on les a cherchés pendant 15 jours. En premier, c’est l’espoir de pouvoir les retrouver. [Stéphane] était tellement un battant incroyable. On avait tous l’espoir de les retrouver vivants. Le 25 juillet, on va finalement les retrouver et ils vont malheureusement être décédés. Cette journée-là, c’est une journée extrêmement triste. L’espoir doit céder la place à autre chose. »

La conjointe de Stéphane Roy compte également parmi les soldats qui n’ont pas baissé la garde. Caroline Dalpé a littéralement vécu son deuil au milieu des serres. « Moi, je n’ai jamais arrêté de travailler depuis la journée qu’on a… [silence]. J’étais moins présente, mais j’étais tous les jours au bureau, raconte-t-elle. Je trouvais que c’était important de savoir ce qui se passait, d’être présente. » La directrice générale a d’ailleurs pris ses premières vacances en décembre, pendant la période des Fêtes.

Rassurer les employés

« Après tout ça, on s’est regardé et on s’est demandé : qu’est-ce qu’on veut ? », précise Peggie Clermont. Rassurer les 400 employés, voilà ce qui importait pour celles qui, malgré elles, devaient reprendre les rênes de l’entreprise. « Le souci des employés était très, très grand, souligne Mme Dalpé. Les employés nous ont supportés aussi. »

« On les a rassurés à l’effet qu’il n’y aurait pas de mises à pied, ajoute pour sa part Mme Clermont. Dans les entreprises, des fois, quand le capitaine décède subitement, il n’y a pas de plan de relève. »

Histoire de dissiper les craintes, le duo a entamé en septembre une tournée des différentes installations de l’entreprise pour aller à la rencontre du personnel et pour lui parler de la suite des choses. Les plans sont simples : assurer la pérennité de l’entreprise, affirment les deux femmes.

Des projets

Investissements dans les cultures biologiques, conquête de nouveaux marchés aux États-Unis, lancement de produits, agrandissement des installations : voilà autant de projets dans lesquels l’entreprise commence à se lancer. Avec le départ de celui que l’on surnommait « monsieur Tomate », ceux-ci pourraient toutefois prendre plus de temps à se réaliser.

Qu’en est-il de l’agrandissement des serres dont les travaux ont été mis en branle sous Stéphane Roy ? Rappelons que le plan, évalué à 125 millions de dollars, prévoyait cinq phases d’agrandissement. La première a été terminée en août 2018 et est destinée à la culture de tomates biologiques. Il en reste quatre autres. « On travaille pour avancer la phase 2 », a assuré la directrice générale. Les travaux devraient commencer au cours de l’année 2020.

"Les projets, on va les faire de façon différente. C’est sûr que c’est un changement de direction. Donc, les banquiers, ils ont besoin d’avoir un plan de relève. Est-ce que ça peut à un certain point ralentir les projets ? Oui, mais ce n’est que les ralentir ou les faire autrement. Aucun des projets que Stéphane avait n’a été abandonné." Peggie Clermont

Savoura a lancé en novembre un tout nouveau produit : le cerizo bio. Ces tomates cerises sont vendues sans emballage de plastique. « Nos prochains projets sont en bio, souligne Richard Dorval, directeur général de la production, également présent lors de la rencontre. [Et pour les tomates traditionnelles], on n’a plus de pesticides de synthèse dans nos serres. »

Sur un total de 32 hectares, 12 hectares sont consacrés à la culture des tomates biologiques, pour un total de 35 % de la production. Près de 70 % des produits bios prennent le chemin de New York et de Boston. L’entreprise souhaite maintenant conquérir le centre des États-Unis. Le marché de Chicago est dans sa ligne de mire.

La tomate éternelle

Par ailleurs, Savoura défend bec et ongles la qualité de ses tomates. Rappelons qu’un reportage de l’émission Enquête, diffusé récemment sur les ondes de Radio-Canada, dévoilait que des géants de la semence manipulaient le célèbre fruit pour créer la tomate éternelle : un produit qui a une belle apparence et qui se conserve plus longtemps. Questionnée à ce sujet, l’entreprise se dissocie complètement de ce qui a été présenté, rappelant que le reportage décrit davantage un contexte européen.

En ce qui concerne l’hybridation — qui consiste à mélanger des variétés pour en créer une nouvelle —, il s’agit d’une manipulation nécessaire dans le monde de la tomate, soutient Richard Dorval. « Pourquoi on est obligé de faire des hybridations ? C’est parce qu’on prend deux parents ensemble et on va avoir des semences tout égales, explique-t-il. Sinon, on aurait toutes sortes de tomates de toutes sortes de grosseurs dans la même serre. On ne peut pas cultiver comme ça. »

Savoura en quelques points

Stéphane Roy a commencé à cultiver des tomates en 1995.
Il fait l’acquisition des Serres Sagami en 2000.
En 2015, M. Roy met la main sur tous les actifs des Serres du Saint-Laurent et de la marque Savoura.
L’entreprise produit aujourd’hui environ 16 millions de kilos de tomates.
Savoura compte 400 employés.
10 lieux de production situés au Saguenay, en Estrie, en Gaspésie, en Montérégie, dans les Laurentides, en Mauricie, dans Charlevoix et à Québec.
Six variétés de tomates sont produites.

Source: La Presse

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